Etre privé du net, ça n'a pas que des mauvais
Etre privé du net, ça n'a pas que des mauvais côtés.
Quand on sait que j'y passe 14h par jour en semaine, et presque autant mais parfois plus le week-end, ben finalement, c'est pas une mauvaise chose.
J'ai réalisé pendant cette période à quel point je pouvais être dépendant de ce formidable outil qui me permet de m'exprimer sans retenue sur les différentes choses qui me navrent, me font sourire ou me font me poiler à m'en péter la rate.
J'ai également compris qu'il était primordial de voir des gens palpables et arrêter de vivre dans le monde pixellisé. Même si ça permet de garder le pied dans la réalité car on a un accès quasi illimité à l'information, il est important d'aller ressentir la vie, plutôt que de la mater confortablement installé, car la froideur de l'écran ne comble pas le manque de chaleur humaine qui peut s'avérer vital, surtout quand on fait cavalier solitaire.
Afin d'appliquer mon nouveau diktat et surtout pour aller voir une amie se trémousser sur une scène improvisée, j'ai décidé de terminer la vie déjà bien entamée de mon engin motorisé, en commençant par changer la gomme craquelée de ses roues, parce qu'il faut se plier à la législation en vigueur en matière de sécurité pour circuler aussi.
Après avoir enfourcher mon destrier polluant, je suis sorti de ma résidence, un sourire en coin à l'idée de ne plus avoir à aller faire les courses le samedi comme tous ces cons que j'arrive à éviter la semaine, avec mes horaires de l'aube au crépuscule.
Sourire assez vite devenu rictus haineux, à la vue des malheureusement immunisés contre la grippe aviaire, j'ai nommé les poulets, ces enculés.
Visiblement excités à la vue d'une nouvelle proie pour satisfaire leur frustration de ne pas utiliser leurs sexes de substitution qu'ils portent autour de leurs tailles, avec celui pétaradant qui reprend la vie au lieu de la donner, ces très chers messieurs se sont empressés de faire demi-tour et sirène hurlante, m'ont intimé l'ordre de me ranger sur le côté.
Sortant mon exposition dentaire la plus commerciale, et après les avoir salué, je leur ai calmement expliqué que les pneus sur lesquels ils étaient en train de me questionner, allaient être changés incessamment sous peu et que d'ailleurs, ils me retardaient dans mon désir d'être un citoyen irréprochable comme je l'ai toujours été, excepté quelques digressions de consommation de résine par crémation, détail que je leur ai d'ailleurs caché, pour éviter toute forme de provocation.
L'un d'entre eux, avec un air compréhensif mais néanmoins joueur, a abondé dans mon sens en m'indiquant que je devais simplement me hâter à changer lesdits pneus, sinon sans quoi, je serai verbalisé la prochaine fois. J'ai acquiescé plein de bonnes intentions, car il faut bien le dire, sans son conseil, j'allais y mettre toute mon attention de toute façon.
Les minutes pendant lesquelles j'attendais le retour de mes documents attestant la légalité de mon véhicule me parurent interminables.
Deux agents m'ont rejoins au bout d'une bonne vingtaine de minute, divers documents dans les mains :
- l'un était une immobilisation de la voiture
- le deuxième une contravention
- le troisième une autre, probablement parce qu'on ne dit jamais deux sans trois ou que l'indulgence pour un rétroviseur fêlé n'était pas une option
J'ai tout pris sans mot dire, car l'ire se lisant dans mes yeux, c'est un flot d'insultes que j'aurais laissé se déverser si j'avais ouvert mon bec.
Je suis allé changer mes pneus comme je l'avais prévu au départ, sauf que la facture à l'arrivée a été beaucoup plus salée que me le permettait mon budget.
Je suis de ceux qui constatent, reconnaissent, comprennent que ces messieurs font simplement leur travail, j'étais dans mon tort mais pourtant plein de bonnes volontés. L'indulgence n'est peut-être pas le maître mot de leurs ordres du jour mais il aurait été facile de me demander de venir avec les pneus changés, afin d'attester de ma bonne foi. D'autant plus que ça aurait été facile de me retrouver avec toutes mes coordonnées qu'ils ont soigneusement ausculté, au cas où le mensonge m'aurait habité tout le temps de notre entretien.
Quand je vois que 9 fois sur 10, les voitures contrôlées sur le bas côté sont conduites par des immigrés, je me dis qu'une pigmentation moins appuyée, m'aurait sûrement évité de me faire ralentir dans ma mise en conformité. Et j'aurais pas ce goût amer qui me fait me dire qu'il y a comme un soupçon d'inégalité même quand on veut être dans la légalité...
Etant la cible de généralités, je tiens à préciser, pour ne pas semer le doute, qu'ils ne font pas tous des blagues très mal placées, du style "oooh mais non, il peut encore faire 10 000 kilomètres avec" avant d'allègrement diminuer mon pouvoir d'achat alors qu'ils m'avaient annoncé l'inverse beaucoup de minutes plus tôt.
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