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BloGgiN' DeAd
13 mai 2007

Slammers delight vol2

A ma porte est venu frappée l’opportunité d’enfin voyager vers l’étranger, vers une destination pour moi inconnue, mais pourtant déjà vu par ceux qui n’ont pas pu, m’y envoyer pour une question de revenus.

J’observe autour de moi et voit tous ces traits familiers, ces traits que j’ai vu toute mon enfance dans les foyers Sonacotra en France, sur les visages des gens de ma communauté pleine des souffrances, je me sens comme à Montreuil, Rue Bara, je suis au Mali, je me sens chez moi.

Tous ces pifs, ces cheveux crépus, ces formes de têtes, ces fringues, ces onomatopées, ces dialectes, ce parlé fort qui donne l’impression qu’on s’embrouille alors qu’on discute...

Toutes ces têtes, sourires à pleine dents, très éloignées de ce visage d’Uncle Tom qu’on voyait apparaître sur les boites de Banania, dont on ne soupçonne pas la portée quand on est un enfant mais qu’on déteste une fois adulte assez rapidement, saisi de la charge historique qui pèse sur le fameux « Y’a bon Banania », implicitement.

Je tourne la tête et j’aperçois une sœur. Ses mains sont plus foncés que son visage, visiblement elle n’a pas pensé à appliquer son produit d’une manière uniforme, comme sur cette affiche du savon La Perdrix, vantant les mérites d’un produit qui lave tellement bien qu’il rend immaculé l’avant bras de cet homme aux grosses lèvres rouges et aux yeux exorbités, censé représenté le nègre caricaturé.

Je ne peux m’empêcher de repenser, au moment où j’aperçois un gamin qui mange sa glace au chocolat, au slogan de la marque Felix Potin pour ses carrés de chocolat « Sale nègre, vous n’êtes pas chocolat, il n’y a qu’un chocolat, c’est le chocolat Potin ».

Je souris jaune parce que ça me rend marron, d’être rouge de colère quand on me dit que je n’ai pas d’humour noir...

Au cours de mon séjour, j’ai discuté avec différentes personnes de générations différentes, pour concrètement savoir comment est la vie dans mon pays. Les jeunes ne rêvent que d’évasion, les adultes comprennent la difficulté d’avoir 2 nationalités et nous prient de ne pas oublier la moitié qu’on a en commun, en visitant régulièrement, les anciens pestent qu’on ne soit toujours pas marié.

Ici les ravages post-coloniaux se palpent à chaque coin de rue, rues où on aperçoit parfois des gens qui festoient, qui chantent et qui dansent en tapant des mains, le pur cliché de l’image que certains se font de l’Afrique en ayant visionné les reportages quasi animalier qui racontent la terre de mes ancêtres.

En les regardant bien sûr, une phrase que j’ai entendu moult fois et même beaucoup trop, sonnent dans ma tête, « vous les Noirs, vous avez le rythme dans la peau ». Le rythme dans la peau ouais. Ca s’explique plus par le fait qu’on écoute une musique où le beat est clairement perceptible que par une quelconque hérédité, hérédité qui soi disant nous attribuerait des baobabs en guise d’organes reproducteurs.

Ne comprends tu pas que c’est par association au monde animal, pour justifier notamment de l’inhumanité du traitement, que des légendes ont été fondés sur des capacités sexuelles extraordinaires ?

Ne comprends tu pas à quel point ça ne nous fait pas marrer les blagues incessantes sur ce sujet ?

Parce que ça rappelle qu’à une époque qu’on espère voir un jour complètement révolu, c’était une raison pour déconsidérer, avilir sans scrupules, déshumaniser.

On ne peut s’empêcher de repenser, de retourner dans le temps il y a 400 ans, quand on estimait la qualité d’un esclave à la gueule de ses dents, comme on le fait pour un chien ou un cheval, qui avait plus de valeur qu’une personne tombant sous le joug du Code Noir, qui légalisait la coupe du jarret, même la mort au bout d’une 3ème tentative de regain de sa liberté.

Ne comprends tu pas pourquoi je serre les poings quand tu trouves proprement hallucinant à quel point j’ai les dents d’un blanc éclatant, comme tous mes semblables, alors que c’est peut-être une question de contraste tout simplement ?

J’ai passé trois semaines pleines de remises en questions, pleines de parallèles avec ma vie française, dans la plénitude de ne plus être considéré pour ma couleur de peau.

J’ai passé trois semaines à avoir le cœur serré de constater que même si Thomas Jefferson a œuvré pour la cause des Noirs, en proposant une loi interdisant l’importation des esclaves par exemple, il en avait tout de même qui travaillaient dans ses champs de tabac, du lever de soleil jusqu’à ce qu’il fasse noir.

Les pays du Nord actuel, c’est un peu Thomas en fait.

Sally Hemings sa maîtresse noire qu’il n’a jamais émancipée de son vivant, malgré qu’elle lui ait donné un enfant, l’Afrique, en fait.

« Maintenir l’esclavage c’est comme tenir un loup par les oreilles : on n’aime pas cela mais on peut pas le lâcher » il disait.

Comprendras tu un jour pourquoi j’ai dû mal à oublier l’esclavage et le colonialisme ?

Parce que si la forme a évolué, le fond lui semble immuable.

Ca peut sembler surréaliste mais ne dit-on pas qu’au royaume des aveugles, le borgne est roi ?

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Commentaires
T
C'est sympa d'inviter les gens quand on slam(e), j'ai vraiment passé une excellente soirée... La prochaine fois tu y penses, ok ? <br /> By the way t'as pas les dents blanches.<br /> Bises
N
La loi n'est là que pour effacer une mentalité. Comment serait-ce de toute façon possible puisqu'en l'interdisant, elle lui donne du crédit ?<br /> <br /> C'est pas demain la veille, moi je te dis.<br /> <br /> Mais je t'apprécie, et pas seulement pour ton baobab ou la couleur de tes dents. Parce que tu as su saisir un instant de ma vie où ça chavirait un peu, tu t'es fait présent dans mes absences. Et en ça je te remercie. Et peu importe que tu sois blanc, noir, gris, vert, jaune ou rouge. Peu importe que tu sois nain ou géant.<br /> <br /> Pour moi tu es toi. Et reste le s'il te plait.<br /> Anne
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